Au secours, mon mandataire chargé de trouver un acquéreur me réclame 400 000 euros alors que c'est moi qui ai trouvé l'acquéreur et négocié seul avec lui.
- thibautmassart
- 2 août
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Dernière mise à jour : 6 août
🔹 Passer par un intermédiaire pour trouver et négocier avec un acquéreur est souvent très judicieux. Mais il semble effectivement anormal de devoir rémunérer cet intermédiaire si le vendeur a en réalité accompli seul tout le travail. Pourtant il n'est pas rare que l'intermédiaire réclame tout de même sa rémunération. C'est précisément ce qu'il s'est passé dans un litige tranché par la Cour d’appel de Pau le 24 juillet 2025 (n° 23/03108).
Cette affaire concerne un litige relatif au paiement d’une commission à un intermédiaire, en l’espèce une banque, à l’issue d’une opération de cession de titres. En mars 2020, les actionnaires, personnes morales et personnes physiques, d’une société exploitant un camping, ont confié à la banque un mandat dit exclusif visant à rechercher un acquéreur pour la cession de leurs actions. Le contrat prévoyait une commission de 3 % sur le prix de vente jusqu’à 15 millions d’euros, et 2 % au-delà, ainsi qu’un droit de suite si la cession intervenait dans les 18 mois suivant la fin du mandat avec un acquéreur sélectionné.
Le 9 novembre 2020, les mandants ont informé la banque qu’ils négociaient directement avec le groupe Capfun, sans son intervention. L’acte de cession a été signé le 29 mars 2021 pour un montant supérieur à 13 millions d’euros. La banque a réclamé le paiement de la commission au titre du droit de suite, en soutenant que le mandat était exclusif et que Capfun était un acquéreur potentiel sélectionné.
Le Tribunal de commerce de Bayonne, saisi en 2022, a condamné solidairement les actionnaires vendeurs au paiement de la commission de 485 742,80 euros TTC. Les appelants ont contesté cette décision, soutenant que le contrat du 12 mars 2020 ne constituait pas un mandat exclusif et que la banque n’avait pas présenté l’acquéreur.
La Cour d’appel examine d’abord la qualification du contrat. Bien que la convention ne donnait pas pouvoir à la banque de conclure la vente, elle retient que les clauses du contrat établissent l'exclusivité de la mission d'entremise (article 1). En effet, les mandants s’étaient engagés à orienter tout acquéreur potentiel vers la banque, et aucune clause ne prévoyait la possibilité de traiter directement pendant la durée du mandat. Toutefois, la Cour rejette l’idée que le contrat serait régi par la loi Hoguet, cette dernière ne s’appliquant pas à la cession d’actions entre commerçants.
Concernant le droit de suite, la Cour interprète restrictivement l’article 7 du contrat. Elle considère que la commission n’est due que si l’opération est conclue avec un « acquéreur potentiel sélectionné », expression définie par l’article 2 comme une personne identifiée par les deux parties dans une liste spécifique, validée avant l’envoi de l'engagement de confidentialité. Or, bien que le groupe Capfun ait été mentionné par les mandants dans un mail, il n’avait jamais été intégré dans une telle liste signée, ni n’avait été l’objet d’une action conjointe banque-mandants.
La Cour conclut que les conditions d’application du droit de suite ne sont pas réunies et que le mandat, bien qu’exclusif, ne permettait pas à la banque de réclamer une commission pour une vente intervenue avec un tiers non sélectionné. Elle infirme le jugement du tribunal de commerce et rejette toutes les demandes de la banque.
Même si l’affaire se termine bien pour les mandants, elle illustre les dangers que rencontre celui qui souhaite céder son entreprise.
👉 Leçons à tirer :
Un actionnaire envisageant de céder l’intégralité du capital de sa société via un mandataire doit impérativement veiller à la rédaction précise du contrat de mandat.
Premièrement, il convient de définir clairement la nature du mandat : s’agit-il d’un mandat exclusif, semi-exclusif ou non exclusif ? Une clause d’exclusivité explicite doit être insérée si tel est l’objectif, en précisant les conséquences en cas de vente sans l’intermédiaire.
Deuxièmement, pour sécuriser les conditions de rémunération du mandataire, le contrat doit mentionner les conditions d'application du droit de suite (délai, liste des acquéreurs sélectionnés, modalités de validation des prospects). Une liste signée conjointement des acquéreurs potentiels est essentielle.
Troisièmement, il est conseillé de prévoir une procédure de rupture du mandat, notamment si les négociations évoluent vers un acquéreur non proposé par le mandataire. Toute communication avec d’autres acheteurs potentiels doit être transparente pour éviter tout contentieux.
Enfin, un accompagnement par un avocat spécialisé en cession d’entreprise permet d’anticiper les litiges contractuels et de limiter le risque de devoir verser une commission injustifiée en cas de cession réalisée en dehors de l’intermédiaire désigné.

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